Par Paul Jouvenet, juriste, essayiste et analyste financier. Eurasia Business News, le 3 avril 2024

Le prix de l’or a établi un nouveau record ce mercredi 3 avril, franchissant les 2300 $ l’once pour les contrats à termes (gold futures) de juin 2024.
Cette hausse continue du prix de l’or repose sur la demande forte d’actifs refuges dans un contexte de forte inflation depuis 2021, les achats massifs par les banques centrales à travers le monde, afin de réduire les risques, mais aussi la politique des BRICS de dédollarisation menée depuis 2014. La Chine, la Russie, l’Iran, l’Inde mais aussi la Turquie (non membre des BRICS) achètent massivement de l’or pour soutenir leur monnaie nationale ou préparer le lancement d’une nouvelle monnaie de réserve (Projet de la Chine et de la Russie pour les BRICS).
La solide croissance des prix de l’or s’explique aussi par l’annonce en décembre par la Réserve fédérale américaine de la fin de la hausse des taux pour 2024, avec une première baisse des taux directeurs prévue en juin prochain. Ce redémarrage de la création monétaire fera baisser la valeur monétaire du dollar, et mécaniquement soutiendra la demande en or de la part des investisseurs souhaitant protéger la valeur de leur patrimoine.
S’exprimant lors du Forum des affaires, du gouvernement et de la société de Stanford, M. Powell a déclaré que même si la banque centrale ne cherchait pas à réduire les taux d’intérêt immédiatement, elle prévoyait tout de même des taux plus bas cette année.

L’Occident a perdu son pouvoir de fixer le prix de l’or. La Chine, deuxième économie du monde depuis 2010 et grand producteur et acheter d’or, a en effet lancé sa propre bourse des prix de l’or, à Shanghai.
Dans la nouvelle réalité géopolitique du nationalisme des ressources, les Etats européens sont affaiblis, disposant de faibles stocks d’or et étant lourdement endettés.
Alors que les contrats à terme sur l’or ont atteint un autre sommet record de plus de 2 316 $ l’once d’or pour juin 2024, il est nécessaire de prendre conscience du bouleversement actuel sur les conditions de fixation du prix de l’or.
Le monde ne s’est pas encore réveillé. L’acheteur marginal de l’or n’est plus les États-Unis. Ce n’est plus l’Europe. C’est la Chine. Entre la banque centrale du pays et les investisseurs et ménages chinois, la Chine absorbe plus des deux tiers de toute la production annuelle d’or. Les chinois sont les nouveaux acheteurs marginaux. C’est là que le prix de l’or est fixé.
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Le prix de référence de l’or de Shanghai, ou Shanghai Gold Fix, est le résultat d’une vente aux enchères organisée deux fois par jour les jours de bourse par la Bourse de l’or de Shanghai (SGE), à 10h15 et 14h15, heure de Beijing. Destiné à représenter un prix où l’offre et la demande atteignent un équilibre, l’indice de référence est coté en RMB par gramme, et basé sur la vente aux enchères de lots physiques de 1 kilogramme d’or, d’une pureté de 99,99 % ou plus, livrés sous forme de lingots d’or standard à des installations de coffre-fort certifiées par la SGE.
Les BRICS+, groupe qui comprend le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud ainsi que l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis, pourraient bien annoncer un jour qu’ils ont décidé “d’asseoir leur nouvelle monnaie de réserve sur l’or”, afin de stimuler les échanges commerciaux et les investissements au sein du groupe. Chaque monnaie nationale pourrait être convertie en un équivalent en or au sein des banques publiques et privées des BRICS+. L’Occident serait complétement dépassé.
La part des règlements commerciaux de la Russie avec les pays des BRICS en monnaies nationales est déjà passée à 85% en deux ans, a déclaré la gouverneure de la Banque centrale russe, Elvira Nabiullina. Ce chiffre était de 26% début 2022.
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Le mouvement de dédollarisation mené par la Chine, la Russie et l’Iran depuis le début des années 2010 a été rejoint par d’autres grands émergents depuis 2022. Cette dédollarisation accélérée par des pays qui ensemble représentaient 30% du PIB mondial en 2023 est un phénomène que l’Occident doit prendre très au sérieux.
L’économie des États-Unis est confrontée à une menace existentielle. L’annonce possible par les BRICS du remplacement du dollar américain par une nouvelle monnaie de réserve internationale assises sur les réserves d’or des BRICS, ferait chuter la valeur du dollar sur les marchés. Une réaction forte de Washington serait alors probable.
D’ici 2030, les BRICS+ pourraient représenter ensemble 40% du PIB mondial et environ 45% de la population, avec 3,5 milliards d’habitants. Les nouvelles adhésions à compter du 1er janvier 2024 aideront à atteindre ces chiffres.
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Les BRICS entendent accroître leur influence en matière de politique internationale, face à l’Occident, dont le déclin est engagé depuis au moins la crise de 2008. La croissance économique des BRICS dans la décennie 2010 leur donna les moyens pour lancer un mouvement de réforme du système politique international et s’adresser au « Sud Global ». Une telle transformation a des conséquences directes en matière politique et militaire, que les Etats-Unis et l’Europe ne peuvent ignorer.
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Le prochain sommet des BRICS aura lieu en Russie à Kazan, en octobre 2024.
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