Par Paul de Neuville, correspondant à Paris, pour Eurasia Business News – le 5 octobre 2025. Article n°1815

C’est un nouveau seuil symbolique, et inquiétant. La dette publique française a franchi au deuxième trimestre 2025 la barre des 3 400 milliards d’euros, soit 115,6 % du produit intérieur brut (PIB) en juin 2025, selon les dernières données publiées par l’Insee.
Un an plus tôt, elle représentait encore 112 % du PIB. En un an, la France a donc ajouté près de 140 milliards d’euros de dettes supplémentaires.

« Nous sommes entrés dans une zone rouge en matière de finances publiques », confie un économiste de la Banque de France, sous couvert d’anonymat. « La dynamique actuelle n’est pas soutenable sans redressement budgétaire significatif. »

Pourquoi la dette publique explose-t-elle ?

Plusieurs facteurs expliquent cette envolée :

  1. Des dépenses publiques toujours en hausse
    Entre la hausse du budget de la Défense, le financement du “quoi qu’il en coûte” sanitaire en 2020-2021 par le président Macron et la crise de l’énergie en 2022, ainsi que la revalorisation de certaines prestations sociales en 2023 et 2024, les dépenses de l’État ne faiblissent pas.
    En 2025, le déficit budgétaire reste à 5,4 % du PIB, loin de la cible européenne des 3 %.
  2. Des taux d’intérêt élevés
    Depuis 2022, la remontée des taux directeurs de la BCE a renchéri le coût de la dette. La France, qui empruntait presque à taux zéro en 2020, doit désormais refinancer une partie de ses obligations autour de 3 à 3,5 %.
    Résultat : la charge d’intérêts a doublé en cinq ans, frôlant les 60 milliards d’euros en 2025.
  3. Une croissance économique au ralenti
    Avec un PIB en progression de seulement 0,7 % en 2025, les recettes fiscales stagnent, ce qui aggrave mécaniquement le ratio dette/PIB.

Une trajectoire qui inquiète les marchés

Les investisseurs surveillent désormais de près la soutenabilité de la dette française.
Les agences de notation, comme Moody’s ou Standard & Poor’s, ont déjà averti Paris : une nouvelle dégradation de la note souveraine pourrait survenir si la trajectoire budgétaire n’est pas corrigée d’ici 2026.

Selon un rapport de Fitch Ratings, la France se distingue désormais comme le pays le plus endetté de la zone euro après la Grèce et l’Italie.

Les marchés obligataires, eux, commencent à intégrer une prime de risque : les taux à dix ans français sont désormais supérieurs à 3 %, contre 2,3 % pour l’Allemagne.

L’État français risque-t-il vraiment la faillite ?

Le mot “faillite” fait peur — mais il ne s’applique pas tout à fait à un État comme la France.

Une faillite souveraine reste hautement improbable, car la France conserve la confiance des marchés, dispose d’un système fiscal solide, et emprunte toujours sans difficulté.

Mais la marge de manœuvre budgétaire se rétrécit dangereusement : chaque point de hausse de taux coûte plusieurs milliards à l’État.

La Commission européenne pourrait aussi resserrer les règles de discipline budgétaire dès 2026, contraignant Paris à réduire ses déficits.

En d’autres termes, la France ne fera pas défaut, mais devra choisir entre rigueur et réforme.
Sans changement, le poids de la dette pourrait devenir un frein durable à la croissance et un risque politique majeur.


Quelles conséquences concrètes pour les Français ?

Hausse de la fiscalité à venir ?
Le gouvernement exclut pour l’instant toute hausse d’impôt, mais les marges se réduisent. Certains économistes prédisent un retour des hausses ciblées : taxation accrue des dividendes, fiscalité écologique, ou recul des niches fiscales.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé, ce dimanche 5 octobre, sa volonté de présenter « dans les jours à venir » un projet de loi pour lutter contre les « fraudes sociales et fiscales ». Elles constituent, selon lui, « une atteinte directe au pacte républicain ». L’objectif de Matignon est de récupérer 2,3 milliards d’euros dès l’année prochaine, entre recouvrements et fraudes évitées. 

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Sébastien Lecornu a prévu dans son programme de s’appuyer sur deux mesures distinctes, visant à chaque fois les contribuables déclarant plus de 250 000 euros de revenus (500 000 euros pour un couple), pour faire rentrer 3 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses publiques l’an prochain.

Moins de dépenses publiques
Une réduction des dépenses est envisagée dans plusieurs ministères : santé, logement, emploi public.
Des réformes structurelles (retraites, assurance chômage) pourraient revenir dans le débat d’ici 2026.

Que peut faire le gouvernement français ?

Le gouvernement de François Bayrou, avant sa censure le 7 septembre 2025, misait sur un redressement progressif des comptes publics d’ici 2027, avec un retour du déficit sous 3 % du PIB.
Mais les marges de manœuvre sont faibles : chaque hausse des taux réduit la capacité d’action de l’État. Après la chute du Premier ministre Bayrou, son remplacement Sébastien Lecornu fait face à la lourde tâche de former un nouveau gouvernement et de faire voter par le Parlement le projet de loi de finances pour 2026, dans un contexte budgétaire très contraint.

Les pistes évoquées :

  • Une réduction des dépenses publiques de 45 milliards par an.
  • Un meilleur ciblage des aides sociales et énergétiques, pour réduire la fraude ;
  • Une réforme des retraites complémentaires et du fonctionnement des collectivités locales.
  • Relancer la croissance grâce à la compétitivité industrielle et à l’investissement ;

En conclusion : la France à la croisée des chemins

En juin 2025 la dette française à 115,6 % du PIB marque un tournant historique.
Le pays n’est pas (encore) au bord de la faillite, mais il marche sur une ligne de crête : toute crise économique, politique ou financière majeure pourrait la faire basculer.

Sans réforme structurelle, la dette pourrait dépasser 120 % du PIB dès 2027, plaçant la France dans une zone de vulnérabilité comparable à celle de l’Italie.
La prochaine décennie sera donc décisive : réduire la dette, ou en subir le poids pendant une génération.

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