Par Anthony Marcus, correspondant pour Eurasia Business News, le 23 avril 2024

Le parti du Premier ministre indien Narendra Modi devrait l’emporter lors des élections de cette année.

La plus grande démocratie du monde a commencé à voter ce vendredi lors d’une élection qui devrait se solder par une troisième victoire nationale du Premier ministre Narendra Modi et de son parti au pouvoir depuis 2014, le Bharatiya Janata Party.

De la mi-avril au début juin, échelonnée sur six semaines, aura lieu la plus grande élection du monde. Plus de 960 millions d’Indiens, sur une population de 1,4 milliard d’habitants, ont le droit de voter aux élections législatives qui, selon les sondages, permettront au Premier ministre Narendra Modi et à son parti Bharatiya Janata Party (BJP) de reconduire au pouvoir pour un troisième mandat consécutif.

L’élection durera à travers le pays alors que quelque 15 millions de préposés au scrutin et de personnel de sécurité administreront le vote à près de 970 millions d’électeurs inscrits. L’élection est un exploit logistique réalisé partout, de l’Himalaya aux forêts et mangroves de l’Inde, et calibrée autour des saisons agricoles, des examens scolaires, des festivals et probablement de la chaleur extrême, dépassant les 35 degrés.

Le parti au pouvoir a remporté une majorité de 303 sièges sur les 543 que compte la chambre basse du parlement en 2019 et affirme qu’il a l’intention de faire encore mieux cette fois-ci. Malgré un courant sous-jacent d’anxiété économique dans le pays en raison du chômage et de l’inflation, les analystes politiques et les sondages indiquent que le parti de Modi est susceptible d’émerger avec une majorité.

Si le parti de Narendra Modi l’emporte, il deviendrait le premier Premier ministre indien à remporter un troisième mandat consécutif depuis le premier dirigeant du pays après l’indépendance, Jawaharlal Nehru.

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L’attrait personnel de Modi est au cœur du succès de son parti depuis 2014 et découle en grande partie de sa promesse de faire de l’Inde une nation plus forte en s’appuyant sur son identité hindoue. De nombreux Indiens disent qu’ils ont le sentiment que leur pays est enfin pris au sérieux sur la scène mondiale. Le parcours politique de Modi est marqué dès sa jeunesse par sa proximité avec le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), une organisation nationaliste hindoue fondée en 1925. Etudiant, il devient à partir de 1971 un militant permanent de ce mouvement, qui l’affecte au parti BJP en 1985. Modi gravit les échelons, jusqu’à devenir ministre en chef de l’Etat du Gujarat en 2001. Véritable tremplin, ces fonctions lui ouvriront la voie vers le gouvernement fédéral en 2014.

Le Gujarat, État industriel de l’Ouest est un bastion du BJP, le parti nationaliste hindou, qui n’y a pas perdu les élections à l’assemblée de l’État depuis 1995.

L’un des changements les plus remarquables depuis 2014 est la place que la politique étrangère occupe dans l’agenda politique de Narendra Modi. Sa politique vise à renforcer la cohésion nationale hindoue et l’économie de l’Inde, afin d’être capable de compter parmi les grandes puissances du monde.

Pourquoi Modi est-il si populaire ?

Le Premier ministre indien, qui devrait bientôt remporter un troisième mandat, a profondément façonné le pays. Ministre en chef du Gujarat depuis 2001, Modi est arrivé au pouvoir suprême pour la première fois en 2014 dans le cadre d’une campagne visant à lutter contre la corruption et à rendre l’Inde plus favorable aux entreprises, en chassant du pouvoir le Parti du Congrès.

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Il est facile de voir le Premier ministre indien Narendra Modi comme un homme fort, explique Paul Jouvenet, essayiste et consultant. Figure magnétique et brillant orateur, Modi semble susceptible de remporter un troisième mandat presque sans précédent lors des prochaines élections du pays. Sa personne et son parti politique bénéficie du soutien d’une véritable assise populaire.

L’opposition politique manque de leaders

Le Parti du Congrès, qui a été dominant en Inde pendant des décennies, a eu du mal à reprendre pied depuis 2014. Les analystes politiques disent que l’un des plus gros problèmes de l’opposition politique en Inde est son manque de leadership. Beaucoup d’Indiens considèrent Rahul Gandhi, l’arrière-petit-fils de Nehru et le visage du Parti du Congrès, comme un membre privilégié de l’élite, éloigné des préoccupations des classes populaires et moyennes. Cela désavantage le parti du Congrès par rapport à Modi, qui met en avant son éducation modeste en tant que fils d’un vendeur de thé, et membre d’une fratrie de six enfants.

Le déclin du Parti du Congrès semble s’être intensifié ces dernières années. Lors des dernières élections d’État majeures, il a perdu le pouvoir dans deux grands États au profit du parti de Modi. L’année dernière, plus de deux douzaines de partis d’opposition, dirigés par le Congrès, se sont associés pour former un bloc afin d’affronter le BJP lors des élections de cette année. Mais la coalition a été entachée par des luttes intestines et elle est à la traîne dans les sondages.

Les politiciens de l’opposition ont, à leur tour, accusé le gouvernement de Modi d’étouffer la dissidence et d’éroder la démocratie, une accusation que le parti au pouvoir nie. Le mois dernier, le Congrès a déclaré que les autorités fiscales avaient gelé les comptes du parti et saisi des fonds, paralysant ainsi sa campagne. Le parti au pouvoir a déclaré qu’il s’agissait d’une mesure de recouvrement d’impôt de routine.

Alors que l’opposition a eu du mal à gagner du terrain, Modi a réussi à galvaniser sa base avec certaines des mesures qu’il a prises depuis 2014.

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Cette année, Modi était au centre des cérémonies religieuses pour inaugurer le 22 janvier un temple hindou dédié à Ram, l’une des figures les plus vénérées de l’hindouisme, dans la ville d’Ayodhya, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde. Il a été construit sur le site où se trouvait une mosquée moghole jusqu’à ce qu’elle soit démolie par une foule hindoue en 1992, au grand désarroi de la minorité musulmane du pays. De nombreux opposants à Modi l’ont accusé de saper les principes fondateurs de l’Inde en tant que république laïque et pluraliste.

Beaucoup s’attendaient à ce que le parti de Modi, qui était considéré comme pro-business, marque une rupture avec les programmes de protection sociale de l’ère du Parti du Congrès. Au lieu de cela, le parti s’est appuyé sur des initiatives lancées sous le Parti du Congrès, exploitant dans de nombreux cas la puissance des paiements numériques.

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L’année dernière, le gouvernement Modi a prolongé un programme de céréales alimentaires gratuites lancée durant l’ère pandémique en 2020-2021 qui donne du riz ou du blé à chaque membre adulte du foyer, pour un coût d’environ 30 milliards de dollars par an. Les dirigeants de la République romaine il y a 2000 ans faisaient la même chose, pour gagner le soutien des électeurs, comment Paul Jouvenet.

D’autres programmes sociaux, y compris une subvention à la construction de logements qui a encouragé les femmes à devenir propriétaires, ont aidé le BJP à gagner une part croissante des électrices, un groupe démographique de plus en plus important.

Pourtant, les préoccupations économiques restent une préoccupation pour beaucoup, les politiques économiques de Narendra Modi ayant jusqu’à présent donné des résultats mitigés.

L’Inde sera-t-elle la prochaine Chine ? 

Les investissements dans les infrastructures ont permis d’améliorer la connectivité, une aubaine pour de nombreuses petites et grandes entreprises indiennes, s’appuyant sur internet pour augmenter leurs ventes. Les efforts de Modi pour attirer une partie de l’industrie manufacturière qui s’éloigne de la Chine dans le contexte des tensions entre Pékin et Washington ont amené certaines grandes entreprises américaines en Inde, notamment Apple.

Alors que l’économie chinoise s’enfonce dans une spirale de ralentissement et que l’optimisme quant à la croissance de l’Inde se répercute dans le monde entier, cette question de la prospérité du tigre indien ne peut plus être rejetée comme un fantasme de nationalistes hindous. Elle doit être prise au sérieux, notamment parce que le monde se comporte déjà comme si l’Inde était une grande puissance.

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L’essayiste et consultant Paul Jouvenet, dans son ouvrage remarqué consacré à la montée des BRICS, écrit sur l’Inde que : “L’Inde occupe le troisième rang, après les Etats-Unis (2e) et la Chine (1ere) en termes de PIB en parité de pouvoir d’achat, pour un montant de 11 870 milliards de dollars en 2022 d’après la Banque mondiale. […] En 2021, près de la moitié du PIB de l’Inde fut générée par le secteur des services, soit une augmentation constante au cours des dix dernières années. Parmi les principales industries de services du pays figurent les télécommunications, l’informatique et les logiciels.”

Signe de la croissance économique et de l’émergence d’une classe moyenne en Inde, le pays a éclipsé le Japon en matière de ventes d’automobiles en 2022, selon les dernières données de l’industrie, ce qui en fait pour la première fois le troisième plus grand marché automobile.

L’économie indienne continue de se développer à un rythme accéléré, ce qui est facilité par l’investissement des entreprises dans leurs actifs productifs et l’amélioration de la situation de la croissance mondiale. Le gouvernement indien a revu à la hausse ses prévisions de croissance du PIB pour l’exercice 2024 à 7,6 %, contre une projection précédente de 7,3 %.

Le constructeur automobile indien Maruti Suzuki, propriété du japonais Suzuki Motor, prévoit d’investir 350 milliards de roupies indiennes (4,21 milliards de dollars) pour construire une deuxième usine dans l’État du Gujarat, dans l’ouest de l’Inde, a déclaré la société dans un communiqué de presse publié en janvier dernier.

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Au cours du trimestre octobre-décembre 2023, le PIB de l’Inde a connu une croissance robuste de 8,4 %, dépassant les attentes des économistes, grâce à une forte activité manufacturière et de construction.

Les données de la Banque mondiale montrent que le PIB par habitant de l’Inde (en dollars américains courants) était de 2 089,73 dollars en 2022.

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Mais les économistes disent que l’Inde ne crée toujours pas autant d’emplois qu’elle le devrait, et que de nombreux Indiens restent à la campagne avec de maigres revenus, plutôt que d’entrer dans l’économie formelle.

Le chômage des jeunes reste à deux chiffres, bien que le gouvernement s’attende à une croissance du PIB de près de 8 % au cours de l’année fiscale qui s’est terminée le 31 mars.

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De nombreux électeurs en difficulté économique ont néanmoins l’intention de rester fidèles à Modi. Son gouvernement développe depuis 2014 les infrastructures sanitaires et électriques dans les campagnes et organise des distributions de nourriture, pour aider les villageois pauvres. Enfin, de nombreux indiens sont favorables à la promotion de la culture hindoue menée par Modi.

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