Par Anthony Marcus, envoyé spécial en Bavière, pour Eurasia Business News, le 26 juin 2022
Dans le château d’Elmau, dans le sud de l’Allemagne, s’est ouvert dimanche le sommet du « G7», qui se déroulera jusqu’au 28 juin, passant le relais au sommet de l’OTAN à Madrid. Pour la première fois, la réunion des dirigeants des principales puissances occidentales sera consacrée à un sujet sans rapport avec l’ordre du jour traditionnel du G7. Le sommet est en effet destiné à démontrer la détermination des Etats-Unis et de leurs alliés à continuer d’aider l’Ukraine et à prendre de nouvelles mesures contre la Russie. Par ailleurs, les Etats membres de l’Union européenne se sont mis d’accord le 23 juin dernier pour accorder à l’Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l’accession à l’Union.
Parmi les nouvelles mesures restrictives attendues, figurent l’introduction d’un plafond sur les prix mondiaux du pétrole, ainsi qu’une interdiction des importations d’or russe. Cependant, les participants au sommet du G7 admettent qu’il est très difficile d’atteindre un nouveau niveau de sanctions, car cela pourrait les difficultés de l’Europe, déjà en proie à une forte inflation des prix de l’énergie et des matières premières. Tous les pays ne sont pas prêts à soutenir les initiatives du G7, et les membres des « sept » eux-mêmes ne comprennent pas très bien comment durcir les sanctions sans nuire à leurs propres économies. En France, le président Macron et sa coalition politique a déjà subi les conséquences de la forte inflation lors des élections parlementaires des 12 et 19 juin.
Le sommet du G7 comprendra de nombreuses rencontres avec la participation des pays partenaires du club des économies occidentales. Les dirigeants des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie, du Canada, de la France et du Japon seront rejoints par les chefs de la présidence de l’Union africaine, du Sénégal, de l’Afrique du Sud, de l’Inde, de l’Indonésie et de l’Argentine. Le 27 juin, un appel au sommet du G7 par liaison vidéo du président ukrainien Volodymyr Zelensky est prévu.
Contrairement aux sommets des années précédentes, avec leur ordre du jour le plus large possible, couvrant les questions de l’économie mondiale, de la sécurité, du développement, de l’écologie et de la santé, cette réunion du G7 sera principalement consacré à la détermination d’une stratégie du bloc occidental à l’égard de la guerre en Ukraine.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a appelé lors d’un entretien avec des journalistes allemands du Spiegel à accélérer l’approvisionnement de son pays en armes lourdes, en systèmes de lance-roquettes multiples et en matériel d’artillerie de calibre 155 mm. Les dirigeants ukrainiens veulent avant tout des armes et de l’argent.
Le principal défenseur de l’Ukraine au sein du G7 est le Premier ministre britannique Boris Johnson.
« Tout signe de fatigue ou d’hésitation dans le soutien occidental à l’Ukraine fera le jeu de la Russie. L’Ukraine peut gagner, et elle gagnera. Mais pour ce faire, ils ont besoin de notre soutien. Ce n’est pas le moment d’abandonner l’Ukraine », a averti les alliés occidentaux Boris Johnson, qui a l’intention de déclarer au sommet la décision de Londres de fournir à Kiev des garanties de prêt supplémentaires de 525 millions de dollars par l’intermédiaire de la Banque mondiale et de « continuer à soutenir l’Ukraine à chaque étape ». Les relations entre le Royaume-Uni et la Russie ont été difficiles lors de la dernière décennie, devenant même exécrables à compter de l’affaire Skripal en mars 2018.
Lors d’une réunion avec le président Français Emmanuel Macron dimanche, Boris Johnson a déclaré que « maintenant une tentative de régler le conflit ne fera que conduire à l’instabilité et donnera à Vladimir Poutine carte blanche pour manipuler constamment à la fois les pays souverains et les marchés internationaux ».
La thèse de la « victoire de l’Ukraine », réalisée avec le soutien de l’Occident, est récurrente dans le discours de Boris Johnson, malgré les rapports du théâtre d’opérations, qui ne permettent pas de faire des prévisions aussi optimistes. Le Premier ministre britannique essaye d’endosser le costume de Winston Churchill, voyant la guerre actuelle en Ukraine comme l’exemple d’un nouveau conflit mondial. Mais a-t-il le talent et l’intelligence de son prédécesseur ?
Une déclaration similaire a été faite par le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui s’attache à rappeler la solidarité de l’Occident dans le soutien à l’Ukraine et les mesures de pression sur la Russie.
« De nombreux doutes ont été exprimés quant à notre capacité à faire ce que nous avons promis de faire, à préserver la solidarité des alliés et des partenaires en matière de sanctions ou de soutien à l’Ukraine, y compris la fourniture d’une assistance militaire à celle-ci. Jusqu’à présent, tous ceux qui doutaient avaient tort », a déclaré le secrétaire d’État Blinken.
Un peu moins optimiste, mais avec le même accent sur la nécessité de la solidarité du monde occidental, a été la déclaration de l’hôte du sommet du G7, le chancelier allemand Olaf Scholz, qui a mis en garde contre les attentes exagérées selon lesquelles les participants à la réunion seront en mesure de trouver la clé pour résoudre tous les problèmes géopolitiques de l’Europe. « Elmau est situé dans les montagnes, nous ne déplacerons certainement pas les montagnes là-bas. Cependant, nous pouvons prendre des décisions importantes… si nous agissons comme un seul homme et si nous sommes déterminés », déclara Olaf Scholz.
L’idée de solidarité dès le premier jour est devenue le leitmotiv du sommet du G7. « Nous devons rester ensemble », déclara le président américain Joe Biden lors d’une réunion avec le chancelier Scholz en marge de l’événement. “Le Kremlin espérait que les pays occidentaux ne seraient pas en mesure d’éviter les désaccords”, a déclaré le président américain, « mais cela ne s’est pas produit et ne se produira pas », s’empressa-t-il de conclure. Il est vrai que les sanctions contre la Russie coûte très cher à l’Europe, heurtée de plein fouet par la forte inflation sur les prix de l’énergie, du blé et des métaux.
« Les dirigeants chercheront des moyens d’atteindre deux objectifs. Continuer à demander des comptes à M. Poutine, augmenter les coûts de sa guerre pour lui et son économie, tout en minimisant, dans la mesure du possible, les conséquences de la hausse des prix du pétrole pour d’autres pays, en particulier sur le continent européen, mais aussi dans le monde entier », a déclaré John Kirby, coordinateur des communications stratégiques du Conseil de sécurité nationale des États-Unis.
Pour mettre en œuvre cette stratégie, les dirigeants du G7 envisagent de nouvelles mesures contre la Russie, notamment l’interdiction d’importer de l’or russe et l’introduction d’un plafond sur les prix mondiaux du pétrole.
La proposition d’interdire pour les pays occidentaux l’achat d’or russe a été annoncée pour la première fois par Londres. « Les nouvelles exportations d’or russe ne seront plus autorisées vers le Royaume-Uni, le Canada, les Etats-Unis et le Japon grâce aux nouvelles mesures sévères qui seront annoncées lors du sommet du G7 », a déclaré Downing Street, soulignant que Boris Johnson appellera ses collègues du G7 à soutenir ces mesures. « Compte tenu du rôle central de Londres dans le commerce international de l’or et des actions parallèles des États-Unis, du Japon et du Canada, cette mesure aura une portée mondiale, excluant ce produit des marchés internationaux réglementés », indique le rapport.
Après l’annonce de Downing Street, le président américain Joe Biden, a publié sur le réseau social Twitter que « les pays du G7 annonceront ensemble qu’ils interdiront l’importation d’or russe, l’élément d’exportation le plus important qui rapporte à la Russie des dizaines de milliards de dollars ».
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Un responsable du gouvernement allemand a déclaré qu’il craignait que cette décision ne provoque une augmentation des prix de l’or, entraînant au moins temporairement une augmentation des revenus pour la Russie, comme ce fut le cas avec les sanctions pétrolières et gazières.
“L’initiative que nous annonçons affectera le deuxième produit d’exportation le plus rentable de la Russie après l’énergie. Cela représente environ 19 milliards de dollars, et la majeure partie provient des achats d’or par les pays membres du G7“, commenta le secrétaire d’Etat Blinken dans une interview à CNN dimanche.
Les membres du G7 tenteront également de s’entendre sur l’introduction d’un plafond sur les prix mondiaux du pétrole, ce qui, selon leur plan, devrait priver la Russie de la possibilité, même dans les conditions de sanctions, de gagner de l’argent sur les exportations de pétrole.
« Ce sujet sera discuté. Mais nous devons également être sûrs d’avoir une vision complète de tous les effets secondaires possibles », ajouta le président du Conseil européen, Charles Michel. « Nous avons besoin d’une large coalition. Nous parlons non seulement de l’UE, mais, bien sûr, d’autres pays du monde », a ajouté la présidente de la Commission européenne, l’allemande Ursula von der Leyen.
Une proposition visant à trouver de nouveaux moyens de limiter les revenus pétroliers de la Russie a été faite la semaine dernière par la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen. Il est proposé que les entreprises européennes n’assurent les pétroliers transportant du pétrole russe que s’il est vendu à un prix ne dépassant pas un certain plafond. Mais une telle proposition revient à fixer un contrôle des prix du pétrole par l’autorité administrative. Le marché pétrolier risque fort d’être déréglé par une telle intervention sur les prix, ce qui n’arrangera pas les difficultés de l’Europe en matière d’approvisionnements énergétiques.
La mise en œuvre d’un tel “cartel de prix plafonnés” se heurtera inévitablement à la résistance des pays producteurs de pétrole, dont les intérêts ne seront pas satisfaits par cette limitation de leurs recettes d’exportation. En outre, il est peu probable que tous les pays importateurs de pétrole démontrent leur volonté de respecter une discipline stricte pour se conformer à la règle du plafond du prix du pétrole, règle à double tranchant. L’inflation des prix de l’énergie va se poursuivre dans les mois à venir, et les premiers payeurs seront les peuples européens.
Pendant ce temps, la Russie renforce ses liens stratégiques avec la Chine et l’Inde. Moscou et Pékin travaillent même à un système monétaire international alternatif, reposant sur le rouble, le yuan et l’or.
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