Par Swann Collins, investisseur, écrivain et consultant en affaires internationales – Eurasia Business News, le 8 septembre 2022

La Banque centrale européenne passe à la vitesse supérieure, pour lutter contre une inflation frôlant les 10% dans la zone euro. L’institution a relevé son taux de base de 0,75%, le montant à 1,25% par an. Le taux de dépôt, négatif depuis huit ans, est désormais à 0,75 %.
Le taux d’intérêt sur les opérations principales de refinancement et les taux d’intérêt sur la facilité de prêt marginal et la facilité de dépôt seront portés à 1,25 %, 1,50 % et 0,75 % respectivement, avec effet au 14 septembre 2022.
« La décision d’aujourd’hui marque le début de notre passage d’une politique hautement stimulante à un niveau de taux qui assurera un retour rapide de l’inflation à la cible de 2% », a déclaré la BCE dans un communiqué. « Sur la base de nos évaluations actuelles, le Conseil des gouverneurs continuera d’augmenter encore les enjeux lors des prochaines réunions. »
En juillet, quatre mois après la hausse des taux par la Réserve fédérale américaine, la BCE se réveillait enfin de sa torpeur, en actant une hausse de taux de 0,5%, la première depuis 2011.
La BCE note qu’aux prochaines réunions de politique monétaire, le niveau du taux de base augmentera également. « L’inflation demeure trop élevée et devrait rester au-dessus du niveau cible pendant une période prolongée. Selon l’évaluation opérationnelle d’Eurostat, l’inflation en août a atteint 9,1% », a déclaré la BCE dans un communiqué de presse.
La banque centrale a souligné que la croissance de l’inflation est facilitée par « une augmentation rapide des prix de l’énergie et de l’alimentation, la pression de la demande dans certains secteurs en relation avec la reprise de l’économie et les perturbations de l’offre ».
« Nous avons encore du chemin à parcourir », prévient Christine Lagarde, présidente de la BCE, laissant entrevoir une série de hausses de taux à venir qui sera de « plus de deux » mais sans doute « moins de cinq ».
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Dans son communiqué de presse, la BCE souligne que : “Après un rebond au premier semestre 2022, les données récentes indiquent un ralentissement substantiel de la croissance économique de la zone euro, l’économie devant stagner plus tard dans l’année et au premier trimestre de 2023. Les prix très élevés de l’énergie réduisent le pouvoir d’achat des revenus des populations et, bien que les goulets d’étranglement de l’offre s’atténuent, ils continuent de limiter l’activité économique. “
Les analystes de la BCE ont également révisé leurs prévisions d’inflation. En 2022, ils s’attendent à un indicateur de 8,1% dans la zone euro. En 2023, la BCE anticipe une inflation annuelle de 5,5% et se risque même à annoncer une inflation abaissée à 2,3% en 2024. Etant donné l’état actuel de la gouvernance de l’Union européenne et des conséquences des sanctions occidentales sur les prix de l’énergie, se risquer à anticiper au-delà de janvier 2023 paraît bien illusoire.
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Le 29 juillet, l’agence européenne des statistiques Eurostat a rapporté que le taux d’inflation dans la zone euro en juillet atteignait 8,9% par an, atteignant un maximum historique. Parmi les pays ayant le taux d’inflation le plus élevé pour l’année figurent l’Estonie (23,2%), la Lettonie (21,3%) et la Lituanie (20,9%).
Le 31 août, Eurostat indiquait que l’inflation dans la zone euro atteignait le record de 9,1% par an.
Si l’on examine les principales composantes de l’inflation de la zone euro, l’énergie a connu le taux annuel le plus élevé en août (38,3 %, contre 39,6 % en juillet), suivi de l’alimentation, alcool & tabac (10,6 %, contre 9,8 % en juillet), les biens industriels hors énergie (5,0 % contre 4,5 % en juillet) et les services (3,8 % contre 3,7 % en juillet).
L’inflation en Belgique a atteint près de 10%, s’établissant à 9.62% pour le mois de juillet, un record depuis 1997. Les prix à la consommation en Allemagne, harmonisés avec les normes de l’Union européenne, augmentèrent de 8,5% en termes annuels en juillet, selon les données de l’Office fédéral allemand de la statistique (Destatis), après 8,2% en juin.
Les causes de l’inflation
Au cours de la dernière décennie, la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont mis en œuvre des politiques d’assouplissement quantitatif et de taux bas, visant à stimuler la croissance économique par la création monétaire, après la crise financière mondiale de 2008-2009. L’objectif était de relancer l’inflation autour d’une cible de 2 % et de financer la croissance. Les deux banques centrales mirent en place leurs taux courts à zéro ou en dessous pour soutenir le crédit, augmenter l’agrégat monétaire M3 et inciter l’activité économique. La masse monétaire augmentant, l’inflation est la conséquence logique.
Par ailleurs, en réponse à la crise de la dette grecque, un nouveau programme de rachat d’actifs (Securities Market Program ou SMP) a été activé en mai 2010 par la Banque Centrale Européenne (BCE) puis en novembre 2011 afin de contenir la hausse des spreads entre les taux de la dette des pays du sud de l’Europe et ceux du nord. Ce programme de rachat permit aux Etats de continuer à s’endetter pour financer leurs déficits publics causés par des politiques inefficaces et démagogiques.
Le 15 novembre 2021, la monnaie euro est passée sous la barre des 1,14 dollar, à son plus bas niveau depuis juillet 2020, après que la présidente de la BCE, Christine Lagarde, ait écarté la perspective d’une hausse du taux directeur en 2022, la jugeant “contre-productive“. La cheffe de la BCE avait de nouveau jugé que la poussée inflationniste actuelle serait temporaire. L’euro cédait ainsi 0,56% à 1,1385 dollar.
Même les grands banquiers allemands ne croyaient plus dès novembre au scénario optimiste de Christine Lagarde et exhortent la BCE à réagir rapidement contre la hausse de l’inflation dans la zone euro.
Jens Weidmann, président de la banque centrale allemande, la « Bundesbank », depuis 2011, fut régulièrement mis en minorité au conseil d’administration de la BCE en prônant une politique monétaire plus restrictive. Il lâcha une bombe en octobre 2021 en annonçant sa démission. Le représentant de la Bundesbank croit fermement que le programme d’achat massif d’actifs PEPP, lancé en mars 2020 par la BCE, ne devrait pas être maintenu au-delà de 2021.
Face au dérapage des taux obligatoires à dix ans depuis avril 2022, le conseil des gouverneurs de la BCE décida de se réunir en urgence le 15 juin pour annoncer qu’elle soutiendra les Etats européens en difficulté en achetant de leur dette publique pour réduire la pression des taux d’intérêt. Malgré cette annonce, la montée des taux d’intérêt des obligations d’Etat à dix ans n’avait que faiblement ralenti.
La cohésion de la zone euro est plus que jamais menacée. Cette fois, de belles paroles prononcées lors d’un énième sommet européen ne permettra pas d’effacer l’écart important entre les dettes publiques des Etats membres. Toute hausse des taux directeurs par la Banque centrale européenne entraîne une hausse du loyer de l’argent, c’est-à-dire des taux des crédits. Les personnes, entreprises et Etats fortement endettés voient alors la pression s’accroître. Le plus douloureux sont les emprunts à taux indexés sur l’inflation.
En mai 2022, alors que l’inflation annuelle dans la zone euro s’élevait déjà à 7,5% en mars et à 7,4% en avril, les banquiers de la BCE commencèrent à faire circuler la nouvelle qu’une hausse des taux aura lieu en juillet 2022, afin de freiner cette inflation. L’inflation annuelle de la zone euro était de 8,9 % en juillet 2022, contre 8,6 % en juin 2022. Le 21 juillet, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de relever les trois taux d’intérêt directeurs de 50 points de base et a approuvé l’instrument de protection du transport (TPI). Il s’agissait de la première hausse de taux depuis 2011.
Robert Holzmann, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, avait déclaré le 24 mai qu’une hausse des taux de 50 points de base en juillet serait appropriée et qu’il était extrêmement important de terminer l’année avec des taux d’intérêt en territoire positif. Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et siégeant lui aussi au sein de la BCE, avait déclaré qu’une hausse des taux directeurs en juillet 2022 était probablement une affaire conclue car il y a un consensus croissant au sein du Conseil des Gouverneurs de la BCE.
Qui va souffrir le plus de l’inflation et de la hausse des taux ?
Les travailleurs salariés, les pauvres et les personnes sans emploi souffriront le plus, car leur revenu ont la plus faible élasticité. Ils ne peuvent pas décider eux-mêmes d’augmenter leur revenu, à l’inverse d’un chef d’entreprise ou de professionnels indépendants. Ces derniers souffriront également cependant, en raison de la hausse de leurs charges externes (coût de l’énergie, des matières premières, des prestations des fournisseurs). La consommation va ralentir ainsi que la productivité. Le coût du financement de l’activité économique va augmenter. La déflation pourrait apparaître dès janvier 2023.
La guerre financière et monétaire entre les Etats-Unis et leurs alliés d’un côté, et la Russie, la Chine et leurs alliés de l’autre côté, va aussi provoquer l’affaiblissement du dollar (phase de dédollarisation des économies russes, chinoises et indiennes) et de l’euro (les Etats européens devant désormais payer le gaz et le pétrole russe en roubles et non plus en euros et en dollars), ce qui va augmenter le coût des importations de biens manufacturés et de matières premières d’Asie. C’est le deuxième coût de marteau sur la main du consommateur qui tente d’ouvrir son portefeuille afin d’acheter les aliments du quotidien, faire le plein d’essence ou payer son électricité. Le troisième coût de marteau est la récession qui aura lieu en Europe dans les prochaines semaines et qui durera au moins jusqu’en 2024.
La BCE a indiqué dans son communiqué : “Les services du FMI s’attendent maintenant à une croissance de l’économie de 3,1 % en 2022, de 0,9 % en 2023 et de 1,9 % en 2024.”
Les citoyens européens vont traverser des défis économiques inédits depuis 1945 dans les prochains mois. Les investisseurs et les ménages européens devraient alors se tourner vers des actifs refuges, comme l’or, l’argent, l’immobilier et les terres agricoles.
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