Par Paul Jouvenet, juriste et essayiste. Eurasia Business News, le 31 juillet 2023

Photo : Image du XIVe sommet des BRICS le 22 juin 2022, avec les dirigeants des cinq Etats membres (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

L’Inde et le Brésil s’opposent à la proposition de la Chine d’élargir le groupe des BRICS à d’autres pays en développement. Lors des discussions préparatoires au prochain sommet des BRICS, prévu du 22 au 24 août à Johannesburg (Afrique du Sud). New Delhi et Brasilia se seraient opposées à Pékin concernant une éventuelle expansion du groupe aux dépens de l’Indonésie et de l’Arabie saoudite, rapporte l’agence de presse Bloomberg, citant des témoins directs. L’admission de nouveaux membres au sein du forum des BRICS nécessite le consensus de tous ses membres.

Selon la représentante officielle du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, les BRICS ne disposent pas encore d’un mécanisme unique pour admettre de nouveaux membres. « Cela ne fait qu’être élaboré, et tous les aspects sont discutés collectivement », a-t-elle déclaré au journal Vedomosti.

Le 19 mai 2022, le conseiller d’Etat et ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi proposait ainsi d’élargir le groupe des BRICS, qui comprend actuellement le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud :

« La Chine propose de lancer le processus d’élargissement des BRICS, d’étudier les normes et les procédures d’élargissement, de former progressivement un consensus. »

Le 27 juin, l’assistant présidentiel russe Yuri Ushakov a déclaré lors d’un briefing que Moscou n’était pas opposée à l’acceptation de nouveaux membres dans les BRICS, mais que « ce problème devrait être abordé très prudemment » et que « les procédures et les exigences pour les candidats potentiels » devraient être déterminées. Les membres actuels de l’alliance représentent plus de 42% de la population mondiale, 23% du PIB mondial et 18% du commerce mondial.

En juin, l’Ethiopie a officiellement demandé à rejoindre le groupe des BRICS.

Lire aussi : Les Etats face à l’espionnage dans le cyberespace

Une trentaine d’Etats veulent rejoindre les BRICS, ce qui suscite des inquiétudes dans l’administration américaine et en Europe. L’Occident craint que l’alliance économique et monétaire des BRICS ait une chance de devenir une alternative aux Etats-Unis, au G7 et à l’Union européenne.

La question de l’élargissement des BRICS a bénéficié d’un nouvel élan à compter de mai 2022, après les deux années de pandémie en 2020 et 2021 et les bouleversements géopolitiques du premier trimestre 2022 (Guerre en Ukraine).

Le sommet des BRICS devrait se tenir du 22 au 24 août dans un contexte de détérioration des relations entre la Chine et les États-Unis en raison de la rivalité entre les deux États en Asie du Sud-Est et des guerres commerciales.

Début juin, une réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS s’est tenue au Cap, en Afrique du Sud. Lors du sommet, les cinq Etats membres se sont également entretenus avec des représentants de dix États du Sud (pays en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine), qui ont manifesté leur intérêt à rejoindre l’alliance. Parmi eux figurent l’Arabie saoudite, l’Argentine, le Bangladesh, les Émirats arabes unis, l’Iran, l’Indonésie, le Kazakhstan, les Comores et Cuba. Au total, selon la ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, Naledi Pandor, 13 États ont soumis des demandes officielles d’adhésion.

Les autorités saoudiennes sont intéressées par le développement des liens avec les BRICS, a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, au Cap. Le responsable a déclaré que “le Royaume reste le plus grand partenaire commercial des BRICS au Moyen-Orient. (…) Le volume total des échanges avec les pays BRICS est passé de 81 milliards de dollars en 2017 à 128 milliards de dollars en 2021 et a dépassé 160 milliards de dollars en 2022.

Lire aussi Le Prince de Machiavel, Texte original et commentaires

Le Brésil s’opposerait à l’admission de nouveaux membres, car il ne veut pas nuire à ses relations avec les Etats occidentaux. En outre, la partie brésilienne propose d’introduire une procédure étape par étape par le biais du format « État observateur » et « pays partenaire » avant que les demandes de promotion de nouveaux Etats membres ne soient examinées. Dans le même temps, Brasilia n’est pas opposée à l’adhésion de l’Indonésie aux BRICS.

À son tour, l’Inde souhaiterait l’adoption de règles strictes pour rejoindre les BRICS.

D’après le juriste et essayiste Paul Jouvenet, New Delhi pourrait craindre une dilution de son influence au sein des BRICS en cas de nouvelles adhésions.

L’Afrique du Sud soutiendrait les discussions sur diverses options d’adhésion et ne s’opposerait pas à l’élargissement à de nouveaux Etats membres.

Lire aussi La Russie et la Chine veulent créer une nouvelle monnaie de réserve

En outre, New Delhi a avancé l’idée que les pays BRICS devraient se concentrer sur les États démocratiques avec des économies émergentes, comme le Nigeria et l’Argentine. Alors que l’Arabie saoudite – Etat monarchique – ne répond pas à ces paramètres, a déclaré l’une des interlocuteurs de l’agence Bloomberg. L’adhésion du royaume saoudien aux BRICS permettrait à Riyad de diversifier ses relations économiques étrangères et d’affaiblir sa dépendance vis-à-vis des États-Unis. La Chine a récemment fait office de médiateur dans un rapprochement diplomatique spectaculaire entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Lire aussi : Comment protéger votre entreprise contre les cybermenaces ?

L’opinion publique brésilienne a une mauvaise image de la Chine, principalement parmi les partisans des partis de droite, opposés au communisme. L’ancien président de droite Jair Bolsonaro, avait notamment blâmé les autorités chinoises pour la pandémie mondiale de coronavirus en 2020 et 2021. Cette mauvaise image de Pékin limite les marges de manœuvre du nouveau président Luiz Inácio Lula da Silva, élu en novembre 2022, dans ses négociations avec les BRICS.

Lire aussi  : Investir dans l’or, protéger son patrimoine

En Inde, les autorités craignent que la position de la Chine ne soit excessivement renforcée par l’adhésion de nouveaux membres au sein des BRICS. New Delhi a moins de ressources économiques et politiques pour promouvoir ses intérêts nationaux dans le monde que Pékin. D’autre part, il est important pour les Indiens que l’alliance reste un club fermé privilégié de cinq pays, prétendants potentiels au titre de superpuissance, afin son influence politique ne soit pas diluée. L’Inde, contrairement à la Chine, n’est pas un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et l’adhésion aux BRICS compense en partie l’absence de ce statut.

Le Brésil et l’Inde craignent qu’après l’admission de nouveaux membres des BRICS, le forum ne se transforme en une plateforme anti-occidentale et perde également de sa cohérence économique, ce qui ne les intéresse pas.

Lire aussi : L’Arabie saoudite négocie pour rejoindre la banque des BRICS

Si New Delhi et Brasilia visent à maintenir le statu quo, Pékin et Moscou souhaitent amener les BRICS à devenir une alliance capable d’adopter et de mettre en œuvre un système financier alternatif aux institutions occidentales existantes. Sur ce point, les positions de Moscou et de Pékin coïncident. Les autorités russes sont depuis longtemps déterminées à construire un monde multipolaire dans lequel des institutions telles que l’Union économique eurasienne, l’Organisation de coopération de Shanghai, les BRICS, représentaient une alternative au FMI, à la Banque mondiale et au G7. De manière concomitante, cela renforcerait la position des pays du Sud Global dans leurs négociations avec l’Occident.

Enfin, la création d’une nouvelle monnaie dans le cadre des BRICS sera discutée lors du prochain sommet du 22 au 24 août à Johannesburg en Afrique du Sud, a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov après une conversation avec le président angolais João Lourenço le 25 janvier.

Les pays des BRICS travaillent sur la question de la création d’une nouvelle monnaie internationale basée sur les monnaies des États membres des BRICS, qui peut devenir une nouvelle monnaie réserve, avait déclaré le président russe Vladimir Poutine lors du sommet de juin 2022 organisé à Pékin.

La tenue du sommet des BRICS apportera des réponses sur les critères d’adhésions, les Etats candidats et le projet de monnaie commune.

Notre communauté rassemble déjà près de 110 000 membres.

Inscrivez-vous pour recevoir nos articles exclusifs.

Pour recevoir du contenu premium, abonnez-vous, c’est seulement 9,99 €/mois. Vous verrez le formulaire d’abonnement sur les publications à accès restreint.

Inscrivez-vous pour recevoir nos derniers articles, c’est gratuit !

Suivez-nous sur TelegramFacebook et Twitter

© Copyright 2023 – Paul Jouvenet, juriste et essayiste.