Par Jean Landemer, correspondant à Erevan, pour Eurasia Business News – le 30 septembre 2023

L’homme d’affaires arménien Ruben Vardanyan, ministre d’Etat de la République du Haut-Karabakh depuis entre novembre 2022 et février 2023, a été arrêté dans le corridor de Latchine par les autorités azerbaïdjanaises alors qu’il accompagnait dans leur exode ses compatriotes civils arméniens du Karabakh vers l’Arménie, a révélé son épouse Veronika Zonabend et la présentatrice de télévision Tina Kandelaki, confirmé plus tard par les autorités azerbaïdjanaises.

Veronika Zonabend a déclaré à des journalistes présents sur place que son mari avait été « arrêté et capturé » alors qu’il tentait de quitter la République du Haut-Karabakh avec d’autres réfugiés. Le service des frontières de l’Azerbaïdjan a distribué une photo et une vidéo de son arrestation. L’homme d’affaires et ancien ministre a été emmené à Bakou.

Ruben Vardanyan est accusé par les autorités de l’Azerbaïdjan de financement du terrorisme, de participation à la création de formations ou de groupes armés et de participation à leurs activités, ainsi que de franchissement illégal de la frontière azerbaïdjanaise.

Banquier d’investissement né à Erevan, Ruben Vardanyan est l’une des figures clés du monde des affaires russe des années 1990. A partir de 2006, il finance des activités de charité et d’éducation pour la jeunesse en Russie et en Arménie. Le magazine Forbes estime sa fortune à un milliard de dollars, qu’il utilise pour soutenir la population arménienne. En septembre 2022, alors que l’Azerbaïdjan préparait son blocus du Haut-Karabakh, Ruben Vardanyan renonça à sa citoyenneté russe et déménagea dans la république assiégée. Il fut nommé ministre d’Etat en novembre 2022.

Gêné par la présence de cet homme influent, l’Azerbaïdjan a cependant exigé qu’il parte. « Plus tôt cette personne quittera cette région, mieux ce sera pour tout le monde, tout d’abord, la population locale en souffre », avait alors déclaré le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Jeyhun Bayramov. En février 2023, Vardanyan quitta son poste de Ministre, suite aux pressions de Bakou contre les autorités et la population du Haut-Karabakh. En échange de nourriture et de médicaments, Arayik Harutyunyan, président de la république assiégé par l’armée de l’Azerbaïdjan, céda aux demandes de Bakou et signa le décret mettant fin aux fonctions officielles Ruben Vardanyan.

Malgré la fin de ses fonctions ministérielles, Ruben Vardanyan décida de rester aux côtés des civils assiégés dans la plus grande ville du Karabakh, Stepanakert (le nom azerbaïdjanais est Khankendi) et décrivait le quotidien du blocus de la région par les autorités azerbaïdjanaises sur les réseaux sociaux, comme lors de cet entretien vidéo daté du 22 septembre avec la journaliste russe Ksenia Sobtchak. Ses derniers posts sur le réseau social X (anciennement Twitter) ont été faits la semaine dernière.

Il y a quelques jours, des sources locales de plusieurs publications arméniennes ont affirmé que Bakou exigeait que les autorités du Karabakh arrêtent une large liste d’hommes d’État de la république, y compris d’anciens membres du gouvernement, en échange de l’amélioration du traitement des civils arméniens. Aucune confirmation officielle n’a été faite.

En septembre, l’armée azerbaïdjanaise a lancé une vaste invasion de la République du Haut-Karabakh, désignée aussi sous le nom d’Artsakh, indépendante des autorités de Bakou depuis la fin des années 1980. Cette invasion s’accompagne d’un exode massif de 100 000 arméniens craignant le nettoyage ethnique par l’occupant, qui a commencé à détruire des églises, croix et cimetières chrétiens arméniens. La fuite de ces 100 000 réfugiés sous la menace armée et les discriminations par le gouvernement de l’Azerbaïdjan est constitutif de crime de guerre en application du droit international public.

La population du Karabakh était estimée à environ 120 000 personnes au début de l’année 2023. Elle s’élevait à 150 000 personnes lors du recensement en 2015. Le 27 septembre, les autorités arméniennes avaient signalé que jusqu’à 47 000 Arméniens avaient déjà quitté la région. Ce chiffre a franchi les 100 000 le 29 septembre. En juillet, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, en poste depuis 2003, avait annoncé que Bakou prévoyait de réinstaller plus de 150 000 Azerbaïdjanais dans le Haut-Karabagh en trois ans, à la place des Arméniens.

La Russie, allié traditionnel de l’Arménie, s’est montré passive face à l’invasion par les forces de l’Azerbaïdjan depuis 2020, malgré l’accord de cessez-le-feu de novembre 2022. Des militaires russes, envoyés comme forces de maintien de la paix, ont même été tués ou blessés par des tirs azéris. Cette passivité de Moscou peut s’expliquer par le calcul géopolitique suivant : laisser la Turquie et l’Azerbaïdjan harceler et chasser les Arméniens, et obtenir en échange la retenue d’Istanbul concernant les intérêts russes en Syrie et en mer Noire. Il n’est pas certain que ce calcul soit un succès, tant l’indignation est forte en Arménie et parmi la diaspora arménienne. L’Arménie pourrait rompre toute relation avec la Russie, sa soeur orthodoxe, pour se rapprocher des Etats-Unis et de leur protection militaire.

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