Par Eurasia Business News – le 14 juillet 2021

Vue sur le siège du Parlement de Moldavie, dans la capitale Chisinau.

En Moldavie, le parti Action et solidarité, libéral et pro-européen, a remporté les élections législatives anticipées du 11 juillet, plaçant la lutte contre la corruption et la pauvreté en tête de l’agenda politique. Désormais, la présidente Maia Sandu, élue en novembre 2020, pourra former un gouvernement à sa main et appliquer son programme grâce à une majorité confortable.

Victoire des pro-européens

Pour réaliser l’essentiel de ce qui a été promis au cours de la campagne électorale au cours des quatre prochaines années – poursuivre une politique socialement orientée, augmenter les retraites et les salaires et lutter contre la corruption – ce résultat est suffisant. Le peu que le PAS ne peut pas faire sans alliés au Parlement est de changer la Constitution.

Le Parti Action et Solidarité (PAS) soutenant la présidente Maia Sandu élue le 20 novembre 2020 a remporté une majorité de 63 des 101 sièges lors des élections législatives du 11 juillet en Moldavie, ce qui signifie qu’il peut désormais former indépendamment un gouvernement sans coalition avec d’autres partis.

Dans la matinée du 12 juillet, les députés élus du PAS ont tenu une réunion à huis clos, au cours de laquelle ils ont discuté de la future composition de la direction du parlement et du gouvernement. Au poste de Président du Parlement devrait être désigné Igor Grosu, enseignant de profession et ancien cadre du Ministère de l’économie, tandis que le siège de Premier ministre devrait être occupé par l’économiste et femme politique Natalia Gavrilitsa.

Igor Grosu a auparavant été membre du conseil d’administration d’Amnesty International Moldavie entre 2005 et 2012.

La tentative de la présidente Maia Sandu de former un gouvernement dirigé par son allié Igor Grosu en mars 2021 avait échoué en raison du boycott du vote de confiance par les députés socialistes et communistes. Après les élections parlementaires anticipées du 11 juillet, les libéraux pro-européens disposent d’une majorité confortable permettant d’éviter le scénario de mars dernier.

Le parlement nouvellement élu pourra se réunir pour la première session au plus tôt dans une semaine et demie à deux semaines. La Commission électorale doit officiellement soumettre le rapport des résultats du vote et les documents associés au processus électoral à la Cour constitutionnelle. Les juges de la Cour, dans les dix jours à compter de la date de réception des documents, décideront d’approuver ou non les résultats des élections anticipées. Les premières décisions législatives devraient être attendues au plus tôt en août. La nouvelle législature fonctionnera pleinement à l’automne, lorsque la session parlementaire s’ouvrira.

Igor Dodon, l’un des dirigeants du bloc des socialistes et communistes, président de la République de Moldavie de décembre 2016 à décembre 2020 et principal opposant du PAS à ces élections parlementaires, a appelé ses partisans à être prêts à manifester en cas de défaite du bloc avant le jour du scrutin. Mais le lendemain matin des élections, l’ex-président de la république moldave a félicité ses concurrents pour leur victoire et a déclaré que personne ne devrait descendre dans la rue : “Les gens sont fatigués des manifestations, les gens sont fatigués de la politique, les gens veulent des résultats concrets.”

Igor Dodon a également déclaré que son parti entre maintenant dans l’opposition. Le bloc des socialistes et des communistes a reçu 32 sièges au parlement, le parti ȘOR, de l’homme d’affaires israélo-moldave Ilan Șor, n’a obtenu quant à lui que six sièges et les autres forces politiques n’ont reçu aucun siège.

Programme de réforme du PAS

Fondé par l’actuelle présidente de la Moldavie, Maia Sandu, le PAS est un parti libéral et pro-européen. L’une de ses priorités est le rapprochement avec l’Union européenne et les Etats-Unis. Cependant, pendant la campagne parlementaire, le PAS s’est concentré sur les questions sociales et la réforme de l’Etat.

« L’intégration européenne est l’un des cinq points clés de notre programme. C’est notre vecteur stratégique. La lutte contre la corruption et l’intégration européenne ensemble – pas nécessairement dans cet ordre – est notre ADN politique », explique Mikhail Popshoi, un des dirigeants du PAS. Selon lui, pendant la campagne électorale, le vecteur européen n’a pas été souligné, car « tout le monde nous perçoit de toute façon comme un parti pro-européen ».

Le PAS attend de l’Union européenne qu’elle aide la Moldavie à mener à bien toutes les réformes nécessaires, y compris au Ministère de la Justice. Il y a un mois, la Commission européenne a approuvé un plan d’aide au pays de 600 millions d’euros pour aider Chisinau à surmonter la crise financière et “mettre en œuvre un programme de réformes ambitieux“, expliquait alors la cheffe de la commission, l’allemande Ursula von der Leynen.

Selon un sondage d’opinion réalisé avant les élections, en cas de tenue d’un référendum, 56,8% des Moldaves voteraient pour l’adhésion à l’Union européenne (UE), 27,9% pour l’adhésion à l’Union économique eurasienne (EAEU). Les autres sondés ont eu du mal à répondre ou ne participeraient pas à un tel vote. Le PAS souhaite porter à 70 % le nombre de partisans de l’intégration européenne.

Mikhail Popshoi considère que dans le contexte du “tir à la corde entre l’Ouest et l’Est“, les représentants du gouvernement précédent n’ont longtemps pensé “qu’à leurs propres intérêts égoïstes.” Il affirme : “Dans ce bras de fer, ils ont réussi à interrompre l’agenda anti-corruption avec un agenda géopolitique. Mais les gens en ont assez.

Désormais, le PAS dispose d’une « majorité confortable », poursuit l’homme politique. « Il y a plusieurs propositions fondamentales pour amender la Constitution – il est nécessaire de changer ce qui concerne la levée de l’immunité pour les crimes de corruption. Et, par exemple, pour simplifier la confiscation des biens acquis illégalement. Il y a aussi une réforme de la justice plus globale et bien plus encore », énumère-t-il. Néanmoins, pour mener une telle réforme de la Constitution, le PAS aura besoin des deux tiers du parlement, ce qui n’est pas garanti.

L’une des questions sensibles pour la Moldavie est la question des relations avec la Roumanie voisine. Selon Mikhail Popshoi, le PAS ne peut pas avoir de position officielle sur la question de l’unification des deux pays. «Nous [au parti] avons à la fois ceux qui sont pour lui et ceux qui sont sceptiques à propos de cette idée. Et c’est bien. Nous avons obtenu 53% des voix – si nous étions un parti unioniste, nous ne serions pas en mesure d’obtenir ce genre de soutien », dit-il.

Les partisans de l’unification avec la Roumanie – l’Alliance pour l’unification des Roumains et le Parti de l’unité nationale – ont reçu moins de 2 % des voix lors de ces élections.

Les raisons de la défaite de la gauche

La plupart des Moldaves sont préoccupés par les problèmes sociaux et économiques – la pauvreté, les prix élevés, l’avenir des enfants, la corruption et le chômage sont aux premiers rangs des priorités politiques du peuple moldave. La jeunesse du pays, qui se rend facilement dans la Roumanie voisine pour ses études ou la recherche d’un travail, voit le bénéfice économique et social apporté par l’adhésion roumaine à l’Union européenne le 1er janvier 2007. Les jeunes moldaves réclament avec force des perspectives professionnelles, le renouvellement de la classe politique et la fin de la corruption alors que le salaire moyen mensuel en Moldavie était d’environ 400 euros en 2020.

Pourtant, la gauche moldave s’est concentrée durant la campagne sur des sujets géopolitiques, accusant la présidente Maia Sandu et son parti d’être dépendants et d’agir sous la direction de l’Occident. En conséquence, le bloc des socialistes et communistes, qui était censé promouvoir un agenda social, s’est retrouvé mis en difficulté avec les promesses du PAS d’avancées économiques et sociales qui résulteraient d’un rapprochement accru avec l’Union européenne. Maia Sandu et le parti PAS ont eu l’intelligence d’écarter les débats géopolitiques et de se concentrer sur les promesses sociales de leur programme.

En conséquence, les socialistes et les communistes moldaves, d’une part, n’ont pas réussi à mobiliser l’électorat de gauche, et d’autre part, ils n’ont pas convaincu les partisans du rapprochement avec la Russie de voter pour eux. Cela est manifeste lors de l’examen des résultats du vote en Transnistrie : moins de 12% des habitants de la république séparatiste depuis 1991, se sont rendus aux bureaux de vote, moins de 30 000 personnes (dont 62% ont voté pour les socialistes et les communistes).

Il était également important que la présidente Maia Sandu s’implique dans la campagne électorale avec l’image de figure politique luttant contre la corruption frappant le pays depuis les années 1990 et en mettant en avant sa réputation de probité. Son rival aux élections, le socialiste Igor Dodon, a tenté en vain de mobilisé les forces de la gauche moldave, l’ancien président de la République et actuel chef du Parti communiste Vladimir Voronin rejoignant la tête de liste des candidats.

Les années à venir seront marquées par les réformes institutionnelles, économiques et sociales en Moldavie, avec le soutien marqué de l’Union européenne et des Etats-Unis, qui veulent retirer cette ancienne république soviétique de la zone d’influence naturelle de la Russie.

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