Par Paul de Neuville, correspondant à Paris, pour Eurasia Business News, le 7 mars 2023

Plusieurs centaines de milliers de manifestants se réunissent à Paris et dans les grandes villes de France depuis janvier dernier contre le projet de réforme des retraites, jugé injuste et rétrograde.

Entre 1,28 million et 3,5 millions de personnes ont participé des manifestations de masse dans les villes de France contre le projet de réforme des retraites. Le ministère français de l’Intérieur revendique le chiffre de 1,28 millions tandis que les syndicats avancent le chiffre de 3,5 millions.

C’était le sixième jour de protestations contre le projet du président Emmanuel Macron de réforme le système de retraits, avec l’augmentation de l’âge de départ en retraite de 62 à 64 ans. La précédente action la plus massive a eu lieu le 31 janvier. La police a annoncé que 1,27 million de manifestants y participaient.

Pour obtenir une pension “à taux plein” (sans décote), la durée de cotisation requise passera de 42 ans (168 trimestres) actuellement à 43 ans (172 trimestres) d’ici 2027, au rythme d’un trimestre par an. Cela veut dire que chaque personne qui aura étudié à l’université à compter de la décennie 2010 pour obtenir une licence (Bac + 3, diplôme obtenu en moyenne à 21/22 ans) ou un master (Bac + 5, diplôme obtenu en moyenne à 23/24 ans), devra travailler jusqu’à l’âge de 65 ans / 69 ans pour la pension minimale. C’est le point qui fixe les crispations sur ce projet de réforme. En effet, l’économie française ne s’étant jamais vraiment de la crise mondiale de 2008 et des secousses de la zone euro entre 2009 et 2012, nombreux sont les jeunes diplômés qui enchaînent les stages et les périodes sans emploi avant d’obtenir une situation professionnelle stable.

Le syndicat le plus visible, la Confédération générale du travail (CGT), estime que 3,5 millions de manifestants sont descendus dans les rues des villes françaises mardi 7 mars. La CGT avait déclaré le 31 janvier que 2,8 millions de personnes protestaient contre la réforme des retraites.

Les manifestations de mardi 7 mars ont été accompagnées de grèves dans divers secteurs de l’économie du pays : transport, énergie, administrations, éducation publique. Les syndicats ont déjà promis un cycle de « grèves reconductibles» pour faire pression sur le gouvernement centre-droit d’Emmanuel Macron, qui a annoncé son projet de réforme des retraites à l’automne et l’a présenté le 10 janvier dernier.

Les prochains jours de manifestations en France seraient les 11 et 15 mars, bien que la grève des transports publics à Paris doit continuer les jours à venir.

Les manifestations n’ont pas été sans affrontements avec la police, provoqués par des individus radicaux. Selon les dernières données, 43 détentions ont eu lieu rien qu’à Paris. Les médias ont fait état d’arrestations dans d’autres villes de France.

La Première ministre Elisabeth Born, impopulaire, a présenté le 10 janvier un projet de réforme des retraites élaboré par le gouvernement, qui prévoit un relèvement de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. On suppose que le seuil d’âge de la retraite passera progressivement de 62 ans à 64 ans à raison de trois mois par an, et ce processus durera jusqu’en 2027. Le nouveau régime sera appliqué à partir des générations de Français nés en septembre 1961 ou après.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé lors de la campagne électorale de 2022 sa détermination à mener à bien la réforme des retraites avant la fin de son second mandat présidentiel. Néanmoins, en raison de la forte abstention aux élections présidentielles d’avril 2022, s’élevant à 26,31% des citoyens au 1er tour et 28,01% au second tour, certains invoquent le manque de légitimité du président Macron pour mener une réforme aussi clivante, alors qu’il refuse de réformer la fiscalité afin de renforcer la base fiscale en France des grands groupes étrangers.

Sur un an, selon l’estimation réalisée en fin de mois par l’INSEE, l’institut français des statistiques, les prix à la consommation en France augmenteraient de 6,2 % en février 2023, après +6,0 % en janvier et +5.9% enregistré en décembre. Cette hausse de l’inflation serait due à l’accélération des prix de l’alimentation et des services. Les prix des produits manufacturés augmenteraient sur un an à un rythme proche du mois précédent et ceux de l’énergie ralentiraient. Ces chiffres officiels ne couvriraient que de loin la réalité, nombreux étant ceux qui publient des chiffres de +25% à +30% sur les produits alimentaires frais en supermarchés.

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Une telle inflation affaiblit fortement le pouvoir d’achat des ménages modestes et de la classe moyenne française. Or ces classes démographiques constituent le coeur de la démocratie française. Subissant les chocs d’inflation et de baisse des salaires en raison de la mondialisation sans barrière douanières, la classe moyenne française disparaît peu à peu. Ce groupe social héritée des « trente glorieuses », période de forte croissance économique en France entre 1945 et 1975, ayant foi en la mobilité sociale, la croissance et le progrès, est aujourd’hui fortement menacée.

La classe moyenne français est étouffée par des prélèvements fiscaux trop élevés et elle est trop “riche” pour toucher les subsides de l’Etat. Le courage, le talent et l’industrie de la classe moyenne française ne lui suffit plus depuis plusieurs années pour maintenir son niveau de vie. L’Etat français et son élite sont alors accusés d’incompétence voir de volonté délibérée de laisser le système social et économique du pays glisser vers la privatisation au profit de grands groupes français et étrangers, tout en bénéficiant au passage de commissions ou d’emplois réservés dans les nouvelles entreprises privatisées. La défiance est réelle.

Le projet de réforme des retraites, en raison de ses conséquences financières et sociales sur les classes populaires et moyennes de France, coalise toutes les forces politiques opposées à une mondialisation et à son élite, accusées de vendre le pays à la découpe depuis des décennies et de s’enrichir au détriment des citoyens actifs. Le projet est très mal accepté par la population car nombreux sont ceux qui invoquent les autres moyens de financer le système de retraite français, notamment par une réforme de la fiscalité, plus adaptée à la mondialisation.

Il faut comprendre ici que la France, 5e puissance économique au début des années 2000, est aujourd’hui reléguée 7e rang en 2022, derrière l’Inde (5e rang), l’Allemagne (4e) et le Royaume-Uni (6e). Ce déclassement est mal vécue par les classes populaires et moyennes en France.

Avec un PIB nominal de 25 000 de dollars en 2022, les États-Unis représentent un peu plus du quart de l’économie mondiale et restent la première puissance économique. La Chine suit de près, avec un PIB de 18,3 billions de dollars, soit près de 20 % du total. Loin derrière, le Japon, l’Allemagne et l’Inde complètent le top 5 avec des PIB compris entre 3,5 billions et 4,3 billions de dollars.

Le projet de loi sur la réforme des retraites, après examen par la chambre basse du parlement – l’Assemblée nationale – a été soumis au Sénat, où il sera discuté jusqu’au 12 mars. Le vote définitif du texte pourrait se tenir le 16 mars.

Les semaines à venir promettent d’être très tendues sur le plan politique en France.

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