Par Paul de Neuville, correspondant à Paris, pour Eurasia Business News, le 12 mars 2023

Le Sénat français a approuvé dans la soirée du 11 mars par 195 voix « pour » et 112 voix « contre » le projet de loi de réforme des retraites proposé par le président Emmanuel Macron et son gouvernement.
Le projet de réforme prévoit, entre autres, de porter l’âge de la retraite de 62 ans actuellement à 64 ans d’ici 2030 et de porter à 43 années de cotisations sur les revenus avant de pouvoir partir en retraite au minimum légal dès 2027.
Le 10 mars 2023, le gouvernement avait déclenché la procédure du vote bloqué, afin de faciliter son examen au Sénat.
Le texte de réforme présenté est un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). Le gouvernement envisage environ 18 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2030 pour permettre d’équilibrer le système de retraite et financer de nouvelles dépenses (revalorisation des pensions minimales…). Les opposants à cette réforme invoquent que l’allégation de 18 milliards d’euros manquant résulte de perspectives économiques trop pessimistes d’une part et qu’une réforme globale de la fiscalité devrait permettre de couvrir largement les besoins en financement d’autre part.
Le projet de loi allonge de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. À partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé, à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961. L’âge d’ouverture à la retraite sera porté à 63 ans et 3 mois en 2027 (génération 65) pour atteindre 64 ans en 2030 (générations 68 et suivantes).
Parallèlement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027, dès la génération née en 1965. L’application de loi dite “Touraine” de 2014 est accélérée. Elle prévoyait un allongement de la durée de cotisation de 42 ans aujourd’hui à 43 ans d’ici 2035, à partir de la génération 1973.
Pour les personnes qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein (sans décote) reste fixé à 67 ans.
Des millions de français sont opposés à cette réforme impopulaire, car considérée comme épargnant les plus riches et alourdissant le poids du travail sur les classes populaires et moyennes. En outre, nombreux sont ceux qui appellent à une réforme de la fiscalité, afin de moins faire payer les classes moyennes et davantage les grandes entreprises ou les fraudeurs fiscaux.
La septième manifestation nationale contre la réforme au cours des derniers mois a eu lieu samedi 11 mars dans les rues de Paris, Rouen, Bordeaux, Nice, Toulouse, Toulon, Lorient et plusieurs autres villes.
Maintenant que le Sénat a adopté le projet de loi, il devrait être examiné par une commission mixte paritaire réunissant des députés et des sénateurs, probablement mercredi 15 mars.
Si la commission accepte le texte, un vote final dans les deux chambres pourrait avoir lieu jeudi 16 mars.
Dans le même temps, à la chambre basse du Parlement – l’Assemblée nationale – où la coalition politique du camp du Président Macron a perdu sa majorité lors des dernières élections législatives de juin 2022, des problèmes pourraient survenir avec l’adoption du projet de loi. Dans ce cas, le gouvernement peut utiliser l’article 49.3 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui permet de prendre des décisions sans vote au parlement.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé lors de la campagne électorale de 2022 sa détermination à mener à bien la réforme des retraites avant la fin de son second mandat présidentiel. Néanmoins, en raison de la forte abstention aux élections présidentielles d’avril 2022, s’élevant à 26,31% des citoyens au 1er tour et 28,01% au second tour, certains invoquent le manque de légitimité du président Macron pour mener une réforme aussi clivante, alors qu’il refuse de réformer la fiscalité afin de renforcer la base fiscale en France des grands groupes étrangers, qui pour la plupart bénéficient de marchés publics tout en adoptant des politiques de prix de transfert contraires aux principes de l’OCDE et du droit fiscal français.
Sur un an, selon l’estimation réalisée en fin de mois par l’INSEE, l’institut français des statistiques, les prix à la consommation en France augmenteraient de 6,2 % en février 2023, après +6,0 % en janvier et +5.9% enregistré en décembre. Cette hausse de l’inflation serait due à l’accélération des prix de l’alimentation et des services. Les prix des produits manufacturés augmenteraient sur un an à un rythme proche du mois précédent et ceux de l’énergie ralentiraient. Ces chiffres officiels ne couvriraient que de loin la réalité, nombreux étant ceux qui publient des chiffres de +25% à +30% sur les produits alimentaires frais en supermarchés.
Cette forte inflation pèse sur la consommation des ménages. Au quatrième trimestre 2022, le produit intérieur brut de la France (PIB) ralentit de nouveau (+0,1 % en volume, après +0,2 % au troisième trimestre 2022), d’après les données de l’INSEE. La demande intérieure finale (hors stocks) contribue négativement à la croissance au 4e trimestre 2022 (‑0,2 point après +0,9 point), du fait d’un net recul de la consommation des ménages (‑0,9 % au 4e trimestre 2022 après +0,5 %). Sur l’année 2022, la croissance du PIB français s’élève à +2,6%, après +6.8% en 2021 et une chute de -7,9% en 2020. Les données le montrent, l’économie française s’est à peine remise en deux ans (2021 et 2022) de la récession de 2020. Ainsi, en moyenne sur l’année 2021, le PIB est 1,5 % inférieur à son niveau moyen en 2019 indique l’INSEE.
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La forte inflation réduit nettement le pouvoir d’achat des ménages modestes et de la classe moyenne française. Or ces classes démographiques constituent le cœur de la démocratie libérale à la française. Subissant les chocs d’inflation et de baisse des salaires en raison de la mondialisation sans barrière douanières, la classe moyenne française disparaît peu à peu. Ce groupe social héritée des « trente glorieuses », période de forte croissance économique en France entre 1945 et 1975, ayant foi en la mobilité sociale, la croissance et le progrès, est aujourd’hui fortement menacée.
En 2019, 50% des personnes en France vivaient avec moins de 22 040 € par an d’après les publications de l’INSEE. Cela correspond à un revenu disponible de 1 837 euros par mois pour une personne seule et de 3 857 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Les 10 % de personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 11 660 euros. Les 10 % les plus aisées ont un niveau de vie au moins 3,4 fois supérieur, au-delà de 39 930 euros.
En 2021, un salarié du secteur privé gagne en moyenne 2 524 euros nets par mois en équivalent temps plein (EQTP). En contrecoup de la forte hausse en trompe-l’œil de 2020 (+3,2 % en euros constants) et dans un contexte d’augmentation de l’inflation (+1,6 % en 2021), le salaire net moyen en EQTP a diminué de 1,3 % sur un an en euros constants d’après l’INSEE. En 2021, la moitié des salariés du secteur privé perçoit moins de 2 012 euros nets par mois en temps plein. Ce salaire net médian est inférieur de 20,3 % au salaire moyen, ce qui traduit une plus forte concentration des salaires dans le bas de la distribution. Environ 80 % des salariés ont un salaire net mensuel compris entre le Smic (1 258 euros fin 2021) et 3 200 euros.
Sur les 19 pays membres de la zone euro, la France occupe la 10e place en termes de revenu médian en 2020, à 22 680 euros par an, derrière l’Allemagne, la Belgique ou encore les Pays-Bas.
Les semaines à venir promettent d’être très tendues sur le plan politique en France.
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