Par Anthony Marcus, pour Eurasia Business News, le 7 juillet 2022

L’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger a déclaré il y a quelques jours qu’en fonction des conditions dans lesquelles se terminera l’opération militaire russe en Ukraine, le rôle de l’OTAN en Europe pourrait s’affaiblir ou se renforcer. Selon lui, le conflit militaire peut se terminer de trois façons.

L’influent expert des relations internationales et ancien secrétaire d’Etat Henry Kissinger a présenté sa vision de la situation dans un entretien accordé au magazine britannique The Spectator, publié le 2 juillet. Il y a énuméré trois options au conflit, dont chacune, selon lui, est encore possible:

En premier lieu, si l’armée russe tient ses positions actuelles, elle « recevra 20% de l’Ukraine et la majeure partie du Donbass, les principales zones industrielles et agricoles et une bande de terre le long de la mer Noire », a déclaré Kissinger. Selon lui, cela constituera une victoire pour la Russie, « malgré tous les échecs qu’elle a subis au début », et le rôle de l’OTAN « ne sera plus aussi décisif » qu’auparavant.

Deuxième possibilité, la Russie pourrait être « expulsée » des territoires dont elle avait obtenu le contrôle en 2014, y compris de la Crimée. Alors, selon Henry Kissinger, « la question de la guerre avec la Russie elle-même se posera ».

Troisième possibilité, si l’Ukraine “peut empêcher la Russie de toute conquête militaire et que la « ligne de front soit repoussée jusqu’aux frontières du 24 février, cela signifiera une perte pour la Fédération de Russie. L’Ukraine sera reconstituée dans la forme qu’elle était au début de la guerre : la ligne de bataille post-2014. Il sera réarmé et étroitement lié à l’OTAN, sinon à une partie de celle-ci. Les questions restantes pourraient être laissées à une négociation. Ce serait une situation qui se fige pendant un certain temps. Mais comme nous l’avons vu dans la réunification de l’Europe, sur une période de temps, ils peuvent être réalisés“, estime l’ancien diplomate et conseiller des présidents américains.

M. Kissinger est convaincu que le président ukrainien Volodymyr Zelensky adhère au troisième scénario. Si cela se réalise, alors l’OTAN ne deviendra plus forte que grâce à l’adhésion de la Finlande et de la Suède, et l’Ukraine « aura les plus grandes forces terrestres conventionnelles d’Europe », ajouta l’ancien secrétaire d’État. L’armée ukrainienne sera aussi la seule en Europe a être expérimentée en combats de haute intensité face à un ennemi, trait qui fait défaut aux armées européennes depuis des dizaines d’années.

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« On montrera à la Russie que la peur de l’arrivée des armées russes qui pèse sur l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale peut être dissipée par les actions conventionnelles de l’OTAN. Pour la première fois dans l’histoire récente, la Russie devra faire face à la nécessité de coexister avec l’Europe dans son ensemble, et non avec l’Amérique comme principal maillon de la défense de l’Europe avec l’aide de forces nucléaires », ajouta Henry Kissinger.

En mai dernier, lors du forum de Davos, l’ancien secrétaire d’État avait appelé à faire pression sur l’Ukraine pour que Kiev reprenne les pourparlers avec la Russie, ainsi qu’à mettre fin aux tentatives d’« infliger une défaite écrasante » aux troupes russes, dans le but de préserver une “porte de sortie” à la Russie. Kissinger avait exhorté les États-Unis et l’Occident à ne pas chercher une défaite embarrassante pour la Russie en Ukraine, avertissant que cela pourrait aggraver la stabilité à long terme de l’Europe. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait critiqué cette approche.

En juin, Kissinger avait déclaré qu’il soutenait l’unification de l’OTAN autour de la situation en Ukraine. Il estima également qu’à la fin des hostilités, la Russie devra « trouver une place », sinon le pays deviendra un avant-poste de la Chine en Europe. L’ancien diplomate fait référence ici aux “places” données aux anciens adversaires après les grands conflits, afin de rétablir un ordre international stable : la France de Louis XVIII lors du Congrès de Vienne en 1815, l’Allemagne de l’Ouest et le Japon après 1945. Nombreux sont ceux qui considèrent la décennie 1990 comme perdue, l’Ouest n’ayant pas intégré la Russie dans le système occidental et la laissant dans le chaos économique, social et sécuritaire. Moscou rétablit ensuite sa puissance dans les années 2000 et 2010, grâce aux ressources financières de ses exportations pétrolières, gazières et minières mais aussi en raison d’une politique de puissance pleinement assumée par l’Etat russe.

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Henry Kissinger a eu 99 ans en mai. L’influent expert des relations internationales, considéré comme un défenseur du courant réaliste, fut secrétaire d’État américain sous Richard Nixon et Gerald Ford de 1973 à 1977. Il fut également conseiller à la sécurité nationale auprès de ces présidents de 1969 à 1975.

Dans l’équipe de Richard Nixon, Henry Kissinger développa la politique de détente avec l’Union soviétique. Kissinger négocia ainsi le traité SALT I avec Moscou, un accord limitant le nombre d’armes nucléaires des deux superpuissances. De même, en juin et octobre 1971, pour la première fois, Kissinger entra secrètement en contact avec la Chine communiste avec la complicité du président du Pakistan Yahya Khan qui permit à l’avion de Kissinger de voler pour Pékin depuis Islamabad. Puis Kissinger accompagna le président américain Nixon lors de sa visite officielle en Chine (la première d’un président américain) en février 1972.

En 1973, Kissinger joua un rôle important dans la fin de la guerre du Kippour en négociant le cessez-le-feu entre Israël et l’Égypte.

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